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Éditorial

Source inépuisable de colloques depuis le début de la crise sanitaire, la thématique de cette « tragédie collective » qu’est la pandémie Covid-19 a conduit l’Institut Droit et santé à organiser ces derniers mois deux manifestations : un premier webinaire, en fin d’année 2020, consacré à « La santé, L’urgence sanitaire et Les vaccins » et un second, en début d’année 2021, plus spécifiquement dédié aux « Essais cliniques dans un contexte pandémique ». Ce sont les actes de ce second colloque qui font aujourd’hui l’objet d’une publication dans le dossier thématique de ce nouveau numéro du Journal de Droit de la santé et de l’Assurance maladie.

Si la survenue de la pandémie a impacté la recherche clinique en cours, à savoir la recherche non dédiée à la Covid-19, elle a surtout conduit à une course effrénée pour mettre au point des vaccins mais également des traitements médicaux afin d’assurer la prise en charge des patients atteints par la Covid-19. La grande particularité de cette recherche a tenu au fait que « le savoir scientifique [a été] contraint de progresser au même rythme que la maladie » (A-S. Ginon, « Le système sanitaire et social mis à l’épreuve par la pandémie du Covid-19 », Droit social 2020, p. 469 et s.), entraînant une superposition de la recherche et du soin. Dans le cadre de cette « course », l’opportunité de recourir à la technique du « challenge infectieux », qui consiste à exposer des volontaires sains aux pathogènes contre lesquels on vise à les protéger dans des conditions très contrôlées, a été discutée. Cette pratique ne va toutefois pas sans soulever un certain nombre de questionnements tant éthiques que juridiques, notamment dans le contexte de la Covid-19 (cf intervention orale d’Anne-Laure Morin).

Le besoin de trouver une réponse thérapeutique rapide a conduit à s’adapter.

Nous avons alors assisté à une mobilisation de moyens exceptionnels pour la recherche et à une coordination à l’échelle tant nationale, européenne qu’internationale des actions de recherche et de développement (Voir article de Florian Kastler).

Face à l’urgence, la question a cependant pu se poser de savoir s’il fallait s’affranchir de la méthodologie habituellement observée en matière d’expérimentation scientifique. Mais, comme l’a rappelé le CCNE, dès mars 2020, « même en situation d’urgence, les pratiques de la recherche impliquant l’être humain doivent respecter le cadre éthique et déontologique, notamment à l’égard des patients [sujets] qui sont inclus dans les protocoles de recherche clinique » (« La contribution du CCNE à la lutte contre COVID-19 : Enjeux éthiques face à une pandémie »,13 mars 2020, p. 8). La recherche doit en effet «  s’appuyer sur des essais cliniques scientifiquement rigoureux et éthiquement irréprochables malgré la contrainte de délais optimisés » (communiqué de l’Académie nationale de médecine, « Recherche clinique et Covid-19 : la science n’est pas une option », 8 mai 2020).

Il n’en reste pas moins vrai que des procédures accélérées ont été mises en place pour évaluer les projets de recherches Covid-19 impliquant la personne humaine (cf intervention orale de Stéphane Vignot et article de Laura Chevreau). D’un point de vue philosophique, la mise en place de ces procédures accélérées interroge néanmoins en ce qu’ « elles peuvent remettre en cause les valeurs scientifiques et les méthodes de recherche qui permettent à la communauté scientifique d’atteindre les formes de consensus et de reconnaissance par les pairs qui sont cruciales à son bon fonctionnement » (Voir article de Julia Tinland).

Une procédure accélérée d’instruction des traitements de données à des fins de recherche liés à la Covid-19, dès lors que cette recherche n’était pas conforme aux méthodologies de référence (MR) existantes, a également été instaurée par la CNIL afin d’accompagner les organismes, à l’instar de l’Inserm, dans leur mise en conformité (Voir article de Manon de Fallois). L’implication de l’Inserm dans la recherche visant à lutter contre l’épidémie de la Covid-19 - qu’il s’agisse de recherche clinique, thérapeutique et vaccinale, de recherche fondamentale ou encore d’épidémiologie- a d’ailleurs conduit l’Institut à adapter ses méthodes de travail pour « accélérer l’instruction des dossiers Covid et permettre la construction de projets pleinement respectueux de la protection des données personnelles ». La crise sanitaire a ainsi permis d’« améliorer l’efficience de l’organisation interne [de l’institut] et les interactions avec la CNIL » (voir article de Frédérique Lesaulnier).

En aucun cas la pandémie Covid-19 ne saurait justifier que soit portée atteinte à la sécurité des données de santé. Ne faudrait-il pas dès lors consolider la plateforme du Health Data Hub qui ne protégerait qu’insuffisamment les données nationales de santé mises à disposition lors des recherches sur la Covid-19 ? (Voir article de Bénédicte Bévière-Boyer).

L’ensemble des acteurs de la recherche clinique, qu’il s’agisse des promoteurs, des investigateurs ou encore des acteurs dits de contrôle (ANSM, CPP, CNIL), se sont donc trouvés confrontés à la nécessité d’adapter leurs pratiques, pour répondre à l’urgence de la crise sanitaire tout en veillant au respect de la sécurité et de la protection des sujets de la recherche (voir power point d’Odile Launay disponible sur le site de l’Institut Droit et santé). Tous ces aspects sont abordés dans le dossier thématique de ce nouveau numéro.

Depuis le début de la crise de la Covid-19, nous avons par ailleurs assisté à une recrudescence des cyberattaques contre les hôpitaux. Les établissements de santé sont, en effet, de plus en plus fréquemment, la cible d’attaques informatiques notamment par rançongiciels (« les rançongiciels ne doivent toutefois pas masquer la totalité du spectre de la menace »). Il suffit de citer les exemples très récents de la cyberattaque des centres hospitaliers de Dax, de Villefranche-sur-Saône, d’Oloron-Sainte-Marie ou encore de La Fondation santé des étudiants de France (FSEF) pour s’en convaincre. Mais on se souvient également d’attaques plus anciennes à l’instar de la cyberattaque du CHU de Rouen en novembre 2019.

Si ces attaques portent gravement atteinte au droit à la protection des données personnelles des patients, elles viennent par ailleurs perturber l’organisation interne des hôpitaux et la prise en charge des patients qui ne peuvent bénéficier de leur droit à l’accès aux soins. Les conséquences de ces attaques sont telles qu’il est apparu nécessaire de mettre en place des moyens pour prévenir ces cyberattaques. En pratique, le ministère des solidarités et de la santé, l’Agence du Numérique en Santé et l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations) travaillent en étroite collaboration afin de lutter voire supprimer les menaces de cybercriminalité.

Les cyberattaques récentes ont toutefois conduit le Gouvernement à renforcer la stratégie nationale de cybersécurité des établissements de santé. On peut citer, à titre d’illustration, la stratégie Cyber présentée le 18 février 2021 par le président de la République. Avec cette stratégie, le Gouvernement se propose en effet de renforcer sa stratégie de cybersécurité à destination des établissements sanitaires et médico-sociaux pour un montant d’au moins 350 M €.

La cybersécurité apparaît aujourd’hui comme un nouveau défi pour les établissements de santé et médico-sociaux dans la mesure où elle apparaît comme « un préalable au tournant numérique de notre système de santé et à la confiance de tous ses acteurs ». Aussi est-ce la raison pour laquelle l’Institut Droit et santé a souhaité se saisir de ce sujet en organisant, en mai dernier, un colloque portant plus spécifiquement sur les cyberattaques dans les établissements de santé.

Le dossier thématique de ce nouveau JDSAM regroupe ainsi, en sus des actes du webinaire consacré aux « Essais cliniques dans un contexte pandémique », les contributions écrites des intervenants à ce colloque, dont nous vous souhaitons une agréable lecture !

 

Clémentine Lequillerier

SOMMAIRE

 

Éditorial

Clémentine Lequillerier

Interview

Olivier Jardé

Dossiers thématiques

Les essais cliniques dans un contexte pandémique

Dossier coordonné par Clémentine Lequillerier & Laura Chevreau
– Les pandémies en philosophie : des objets protéiformes  et des enjeux globaux, Julia Tinland
– La nécessité d’une coordination efficace des actions de R&D en cas de pandémie, Florian Kastler
– La mise en place des procédures accélérées pour l’évaluation des projets de recherches impliquant la personne humaine COVID 19 : Impacts sur les comités de protection des personnes, Laura Chevreau
– Les traitements de données de santé à des fins de recherche liés à la COVID-19 : quelle régulation par la CNIL ?, Manon de Fallois
– La protection des données personnelles au cœur de la recherche Covid-19 à l’Inserm, Frédérique Lesaulnier
– La protection des données de santé mises à disposition par le Health Data Hub pour les recherches sur la Covid-19, Bénédicte Bévière Boyer

Les cyberattaques dans les établissements de santé : enjeux et protection

Dossier coordonné par Gabrielle Cancalon & Sonia Cordon
– État de la menace cyber à mai 2021, Jean-François Parguet
– L’approche de l’Agence du Numérique en Santé, Jacques Lucas
– L’approche de l’Agence du Numérique en Santé, Emmanuel Sohier
– Les violations de données à caractère personnel. Notifications, quels constats ?, Gaston Gautreneau
– Retour d’expérience, CHU de Rouen confronté à une attaque en 2019, Cédric Hamelin
– Le besoin grandissant de sécurisation des données médicales des établissements de santé et le cadre de développement des réponses apportées, Sonia Cordon

Chroniques

1 – Organisation sanitaire, politiques de santé
– Accès aux soins et politiques d’aménagement du territoire, Joy Raynaud & Stéphane Le Bouler
– Le passe sanitaire : décryptage d’un nouvel outil au service de la santé publique, Gabrielle Cancalon
2 – Droits des malades et bioéthique
– La loi de bioéthique, une grande loi famille ?, Marie Mesnil
3 – Etablissements de santé et médico-sociaux
– Fin de l’interdiction absolue de la publicité chez les professionnels de santé et instauration d’une liberté de communication encadrée, Rémi Gras
– Préparer et mobiliser les professionnels de santé à la révolution technologique, Élisabeth Hachmanian, Jean-Philippe Alosi, Mathias Dufour, Jean-Louis Fraysse & Rémi Rouet
4 – Produits de santé
– Première approche de la future réglementation des dispositifs médicaux d’intelligence artificielle, Timothy James
5 – Assurances des activités de santé, responsabilité et indemnisation
– Le fauteuil roulant électrique n’est pas un véhicule terrestre à moteur : l’interprétation de la loi du 5 juillet 1985 à la lumière du droit du handicap, Daphné Tapinos
6 – Propriété intellectuelle et concurrence
– Droit des marques et autorisation de mise sur le marché, Caroline Le Goffic
– Droit de la concurrence, Caroline Carreau
7 – Financement et fiscalité
– Fiscalité et implantologie orale, Hadrien Diakonoff
8 – Travail et risques professionnels
– De certains risques professionnels particuliers, Philippe Coursier
9 – Droit pénal de la santé
L’usage détourné du protoxyde d’azote : une violation de la législation applicable aux substances vénéneuses, Marion Chabot & Aissam Aimeur
10 – Assurance maladie obligatoire et complémentaire
– La prise en charge par l’assurance maladie des médicaments dispensés dans le cadre des accès précoce et compassionnel, Céline Roux
11 – Environnement et santé
– Renforcement des mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, Laura Chevreau

Nouvelles de l’étranger

– La vente en ligne de médicaments au Canada et au Québec : comment interpréter le « silence relatif » des lois applicables ?, Marco Laverdière
– Accès universel aux vaccins covid-19 : une manière unique de prévenir la pandémie et le positionnement du Brésil dans cette scène, Fernando Aith & Daniel A. Dourado

Rédaction