Journée nationale des aidants
De nombreuses personnes aident au quotidien, un voire plusieurs membres de leur famille se trouvant dans une situation ne leur permettant pas de subvenir à leurs propres besoins. Ces aidants familiaux représentent aujourd’hui en France, près de 11 millions de personnes prenant quotidiennement soin de leurs proches.
Cet impressionnant chiffre s’explique par des raisons historiques. Initialement, en effet, la solidarité familiale a été dans les sociétés les plus archaïques, la première entraide entre les personnes, et ce, bien avant la création de notre système de sécurité sociale par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.
S’ajoute à cet argument le vieillissement de la population qui accroit naturellement le nombre de personnes vulnérables. Effectivement, si l’âge n’engendre pas nécessairement une dépendance, les deux restent néanmoins fortement corrélés. De ce fait, le nombre grandissant de personne « à aider » implique nécessairement un accroissement du nombre d’aidants.
Depuis 2010 est célébrée chaque année la journée nationale des aidants. Celle-ci est l’occasion de s’interroger sur l’état actuel du statut de salarié des aidants familiaux (IV) ainsi que les droits qui leurs sont octroyés (III). D’autant plus que le rôle d’aidant est particulièrement difficile (II) mais s’avèrent être bénéfique au système de santé (I).
Des aidants bénéfiques au système de santé
Les aidants sont à l’origine de conséquentes économies pour le système. Ils sont en effet nombreux à prendre en charge leur proche, à leurs propres frais, dans leur propre domicile ou à se déplacer au domicile de l’aidé. Les aidants permettent donc un allégement certains des coûts.
Là où l’aidant est un « bénévole », une aide à domicile ou une prise en charge dans un établissement de soins ou pour personne dépendante, implique des salaires et donc des coûts qui pèseraient sur l’assurance maladie, déjà en crise financière.
Dans une logique de démocratie sanitaire, l’aidant peut également être reconnu par les professionnels de santé comme un réel acteur pour la santé de l’aidé.
De la situation difficile de l’aidant
Être aidant familial représente une réelle charge, tant d’un point de vue psychologique que financier. La moitié des aidants familiaux vivent avec l’aidé. Parmi eux, de nombreuses personnes ont dû aménager leur temps de travail, voire arrêter leur profession afin de s’occuper de leur proche. L’impact financier s’avère donc évident, consistant en une baisse, voire une perte totale de revenus dans certains cas.
L’impact moral se fait tout autant ressentir chez les aidants. En effet, s’occuper d’une personne en situation de dépendance n’est pas chose simple, ce d’autant plus que les aidants ne sont que très rarement des professionnels du soin.
S’ajoute à cela une part d’affect car s’occuper de son proche malade, c’est voir au quotidien les conséquences de la maladie sur lui et sur son entourage. Un épuisement mental se fait alors ressentir, notamment du côté des aidants s’occupant d’un proche atteint de maladie neurodégénérative telles que l’Alzheimer ou Parkinson, pathologies nécessitant une surveillance particulièrement stricte.
La reconnaissance récente d’un « droit au répit » démontre une certaine conscience du législateur de la situation complexe des aidants. En effet, certains droits ont été mis en place au bénéfice des aidants.
De quelques droits reconnus aux aidants
La question de l’aidant familial s’est progressivement posée dans le paysage juridique français. Il faudra cependant attendre la loi HPST « Hôpital, patients, santé et territoire » de juillet 2009 pour que les aidants soient clairement mentionnés. Un an plus tard, en 2010, est créée la journée nationale des aidants. C’est après cette date que de réels droits afférents aux aidants sont reconnus.
Le droit au répit a été créé par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015. Ce dernier a pour but de permettre aux aidants de se reposer en faisant accueillir leurs proches de manière temporaire dans un lieu pouvant être financé par l’APA (« Allocation personnalisée d’autonomie »). La volonté d’alléger la charge mentale de l’aidant ressort ainsi clairement de ce dispositif.
Le droit au congé de l’aidant permet à celui-ci de prendre un congé de trois mois, renouvelable dans la limite d’un an, pour s’occuper d’un proche dépendant. Dans l’idée de pallier quelque peu les pertes financières des aidants, ce congé peut désormais être indemnisé depuis un décret du 1er octobre 2020.
Dans la même logique, depuis la réforme des retraites de 2012, les aidants gardent leurs droits à la retraite s’ils étaient des salariés qui ont cessé leur profession pour aider un proche en situation de dépendance.
Un droit à la formation est également possible pour les aidants. Ces derniers peuvent se former avec un professionnel de santé sur des soins qu’ils ne savent pas réaliser et qui sont nécessaires à leur proche. Ou encore à travers plusieurs associations telles que l’Association française des aidants, France Alzheimer, France Parkinson…
Bien plus récemment, une stratégie nationale de mobilisation « Agir pour les aidants » 2020-2022 a été lancée le 23 octobre 2019. Son but est de pouvoir apporter une aide aux aidants, notamment en luttant contre l’isolement des proches aidants. Un « guide ministériel du proche aidant » fut ainsi mis à la disposition de tous en 2021 par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance.
Néanmoins c’est au niveau des associations que s’est le plus développée cette aide vis-à-vis des aidants. L’association française des aidants propose des « cafés des aidants ». Ces derniers ont pour but d’informer les aidants sur leurs différents droits ainsi que de les aider dans certaines démarches administratives. Ces moments sont aussi l’occasion de moments de rencontre privilégiés avec d’autres aidants durant lesquels, à l’image des « patients-experts », des personnes aidantes depuis un certain temps ou l’ayant été durant une longue durée conseillent et apportent leur « expertise » aux aidants moins expérimentés.
Bien qu’une prise de conscience de la situation des aidants se fasse ressentir à travers ces différents droits qui leur sont octroyés, elle est particulièrement récente et démontre que nous ne sommes qu’aux prémices de la reconnaissance d’un droit des aidants. Le prouve notamment le fait que seul l’aidant familial du proche handicapé est évoqué dans l’article R245-7 du Code de l’action sociale et des familles.
Du statut de salarié des aidants familiaux
En principe, le fait d’être aidant familial se fait à titre gratuit. Néanmoins il est possible pour l’aidant d’être salarié de la personne aidée. L’aidant aura le statut d’un salarié auprès d’un employeur particulier. Cet employeur étant donc son proche. En l’absence de système spécifique de rémunération des aidants familiaux, il faut passer par le droit commun du travail pour pouvoir percevoir une rémunération en tant qu’aidant. Le proche aidé devra être bénéficiaire de l’APA ou de la Prestation de compensation du Handicap (PCH). La rémunération se fera selon le nombre d’heures déclarées à l’URSAFF et le paiement se fera par chèque CESU.
Néanmoins trois obstacles à la mise en place de ce dispositif en pratique peuvent être soulignés.
Tout d’abord, de nombreux aidants peuvent ne pas être au courant de cette possibilité d’être rémunérée pour leur aide. Pour beaucoup d’entre eux, cette solidarité familiale peut sembler « normale ». Ils ne pensent bien souvent pas que s’occuper de leur mère ou de leur fils malade pourrait donner lieu à une quelconque compensation financière.
De surcroit, même en connaissance du dispositif, il peut s’avérer compliqué pour certains aidants de proposer ce dispositif au proche aidé. Bien que la majorité de la rémunération par chèque CESU se fasse suite à une aide de l’APA ou de la PCH, faire comprendre à son proche que l’on souhaite être payé pour l’aider peut être compliqué, voire, source de tension.
Enfin, cette approche de l’aidant « salarié » apparait souvent en inadéquation avec la réalité des besoins d’accompagnement. En effet, la rémunération se fait sur les bases classiques du droit du travail et doit donc respecter le maximum légal de 35h par semaine. Or, en réalité, de nombreux aidants dépassent largement ce plafond horaire. Tel sera souvent le cas lorsque les aidants vivent avec le proche aidé. Lorsque la perte d’autonomie sera conséquente, le travail de l’aidant se fera souvent « 24 heures sur 24 ».
Le système de l’aidant salarié permet donc d’apporter une solution grâce à une compensation financière pour l’aidant mais il ne colle que difficilement à la réalité, l’aidant ne pouvant être un simple « salarié » avec des horaires classiques.
AIT-ZERROUK Inès
Master 2 – Activités de santé et responsabilités
Université Paris Cité