En 2023, c’est 4,32 millions de filles dans le monde qui risqueraient de subir des mutilations génitales féminines[1], dont la plupart âgées de moins de 15 ans[2]. Si ces mutilations sont particulièrement concentrées dans des pays d’Afrique et du Moyen-Orient mais aussi d’Asie et d’Amérique latine, elles s’avèrent également présentes en Europe ou en Amérique du Nord. On retrouve également des mutilations réalisées en France. Du fait de la pression culturelle, elles sont plus spécialement réalisées au sein des populations immigrées mais elles sont aussi le fait de professionnels de santé.

Les mutilations génitales féminines (MGF) consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non-médicales[3]. A ce titre, la pratique du « point du mari » consistant, à la suite d’une déchirure ou d’une épisiotomie[4], à refermer à l’aide d’un point de suture supplémentaire, le vagin de la femme qui vient d’accoucher afin d’augmenter le plaisir sexuel du mari, entre dans cette définition et s’avère dès lors être une mutilation génitale féminine dont de nombreuses françaises témoignent avoir été victimes.

La mutilation génitale féminine est ainsi une réalité indéniable qui touche les femmes à travers le monde entier. Ce n’est donc pas le soucis d’un pays, d’une religion ou d’une culture mais bien un problème international. Problème dont l’Organisation des Nations Unies a pris la mesure suite au discours sur la « tolérance zéro aux MGF » de Stella Obasanjo[5], première dame du Nigeria, lors d’une conférence organisée en Ethiopie le 6 février 2003 par le Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles nuisibles pour la santé des femmes et des enfants. La « journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales faites aux femmes » est instaurée cette même année, puis, réaffirmée par l’Assemblée générale des Nations Unies il y a maintenant 11 ans en s’engageant à continuer de célébrer cette journée tous les 6 février.

Il s’agit non d’une « journée nationale » mais bien d’une journée « internationale » qui incite donc tous les pays du monde à se pencher, le même jour, sur ce sujet. Ce caractère international rappelle à tous qu’il ne s’agit pas seulement du problème des uns et non des autres, mais bien de tous.

Le titre choisi pour cette journée est également très fort. Il ne s’agit pas en effet de la journée internationale des « mutilations génitales féminines » mais bien de la journée internationale de la « tolérance zéro » à l’égard des mutilations faites aux femmes. L’accent est ainsi mis sur la gravité de ces mutilations et sur les réactions sévères qui doivent être apportées à ces actes. Cette expression « tolérance zéro » sous-entend en effet la volonté d’une réaction face à ces mutilations, à des fins de dissuasion mais aussi de répression. Le rôle du droit pénal apparait donc comme prépondérant dans la lutte contre ces MGF.

Si les MGF peuvent être de plusieurs sortes, la plus courante et celle qui vient à l’esprit de tous est l’excision. C’est à cette pratique que nous nous intéresserons dans cet article.

Consistant en l’ablation des petites lèvres et du clitoris, l’excision touche des jeunes filles âgées en général de 0 à 15 ans selon les différentes coutumes.

 

En 2019, à l’occasion de cette journée, le ministère des affaires étrangères publiait sur son site internet dans sa rubrique « droit de l’Homme » que « ces mutilations sont une atteinte grave à l’intégrité physique des femmes, à leur dignité et à leurs droits. Elles sont une manifestation de l’inégalité persistante entre les femmes et les hommes. […] la France s’engage aux Nations Unies pour lutter contre les mutilations génitales féminines ».

Nous allons voir comment le droit pénal français appréhende ces excisions (I) et comment la justice française lutte contre cette pratique avec d’autres moyens de droit que le volet pénal (II) ?

 

Une appréhension de l’excision à travers différentes infractions du droit pénal français

Dans le code pénal, l’infraction « d’excision » n’existe pas. La répression de cette pratique se fait donc au travers de la qualification de « violence volontaire » (A). Alors qu’elle pourrait l’être, cette pratique n’est pas qualifiée d’acte de torture et de barbarie[6] (B). L’infraction de « non-assistance à personne en péril »[7] peut quant à elle être caractérisée à l’égard des proches de la jeune fille excisée (C).

A. L’excision : Une violence volontaire mutilante, pouvant entrainer la mort

Dans la majorité des cas concernant l’excision, il s’agit de violence volontaire ayant entrainé une mutilation permanente[8] (1), mais il peut parfois même s’agir de violence volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner[9] (2).

1) L’excision : Une violence volontaire ayant entrainé une mutilation permanente

Régie par l’article 222-9 du code pénal, l’excision est une violence volontaire ayant « au moins » entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.

En effet l’ablation des petites lèvres et du clitoris fait indéniablement partie de cette dernière catégorie. La jurisprudence entend par « mutilation permanente » un dommage corporel irréversible et il s’avère impossible de poser cette qualification de l’article 222-9 si les conséquences de ces violences sont réparables. Ainsi, un médecin accoucheur ayant procédé à la ligature des trompes de ses patientes sans leur consentement n’est pas responsable du chef de violence volontaire puisque leur stérilité était en l’espèce réversible.[10]

Une irréversibilité totale doit donc être constatée afin d’entrer dans la qualification pénale de violence volontaire ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, condition que remplie parfaitement l’excision. Effectivement, il est impossible de récupérer les parties du corps retirées lors de cette pratique[11].

De ce fait, La Chambre criminelle affirme ainsi que s’est rendu coupable de violence volontaire ayant entrainé une mutilation permanente la personne ayant procédé à une ablation du clitoris[12].

La personne qui pratique une excision peut encourir une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. On perçoit bien ici la volonté de lutter contre cette pratique car ces dix années d’emprisonnement constituent la peine maximale pour un délit.

La sanction peut devenir plus lourde encore.[13] Nous passons ainsi en matière criminelle lorsque notamment, cette excision est pratiquée sur un mineur de moins de 15ans[14] ou si c’est un ascendant qui a pratiqué l’intervention[15]. L’excision étant en majorité réalisée sur des jeunes âgées de moins de 15ans, l’aggravation est donc quasiment « systématique ». En présence d’une des causes d’aggravation mentionnées à l’article 222-10 du code pénal, la peine s’étend à 15ans de réclusion criminelle.

Enfin, lorsque ces deux causes d’aggravation (la minorité de l’excisée et l’ascendance de l’exciseur), particulièrement présentes en cas d’excision, se cumulent la peine s’élève à 20 ans d’emprisonnement[16]. Il en a été ainsi dans l’arrêt de la chambre criminelle du 20 août 1983, l’ablation du clitoris ayant été réalisée sur une mineur de moins de 15ans, par la mère de celle-ci. Il s’avère fréquent en effet que cet acte de mutilation soit réalisé avant la puberté des jeunes filles et par leur mère.

 

L’excision peut ainsi, même lorsqu’elle n’a pas entrainé la mort, être réprimée de 20 ans de réclusion criminelle. Qu’en est-il lorsque la mort est survenue conséquemment à cet acte ?

 

2) L’excision : Une violence volontaire pouvant entrainer la mort sans intention de la donner.

La jurisprudence a eu à connaitre d’excisions ayant entrainé la mort de l’excisée. Ainsi, la Cour d’appel de Paris, du 6 novembre 1984 a confirmé une décision du tribunal correctionnel de se déclarer incompétent puisque la qualification criminelle de violence volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner devait s’appliquer aux faits. Le fait pour les parents d’avoir eu recours à une exciseuse, et de l’avoir aidée à pratiquer l’opération dont l’enfant est décédée, caractériserait un acte criminel. Précisons néanmoins que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé cet arrêt pour des raisons de procédure. La juridiction n’ayant était saisie que du chef d’omission de porter secours, les violences volontaires n’ayant pas été retenues par le parquet,  celle-ci n’avait pas à statuer sur ces dernières, les juges du fond ayant ajouté aux faits de la poursuite et ainsi excédé leur pouvoir [17].

Bien que cette qualification ne fut pas retenue pour des raison procédurales, la qualification de violence volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner semble pouvoir s’appliquer à une excision mortelle, à condition évidemment que le lien de causalité entre la violence et la mort ne fasse aucun doute.

Ainsi, comme vu dans l’arrêt précédent, il est tout à fait possible qu’une excision entraine la mort de l’excisée, notamment suite à une hémorragie externe. Dans ce même arrêt, la jeune fille était âgée de 4 mois et est décédée en se vidant de son sang !

15 ans de réclusion criminelle sont alors encourus par l’auteur de ce type de fait et, comme pour celles ayant entrainé une mutilation définitive, les causes d’aggravation[18] liées à la minorité de l’excisée et à l’ascendance de l’exciseur pourront s’appliquer, ce qui là encore sera fréquent. Les peines s’élèveront alors à 20 ans d’emprisonnement pour chacune d’entre elles et, en cas de cumul de ces deux causes d’aggravation, à 30 ans de réclusion criminelle. [19]

Serait-ce possible d’aller plus loin encore et d’appliquer la qualification d’acte de torture et de barbarie[20] ?

 

B) Le rejet de la qualification d’acte de torture et de barbarie

S’agissant de la matérialité des faits, l’excision pourrait être considérée comme « un acte de torture », cette pratique étant particulièrement douloureuse, voire, mortelle.

En effet, la juridiction administrative a jugé en 1996  que « l’excision constitue une mutilation du corps de la femme qui génère des souffrances très intenses ; elle est fréquemment suivie de complications infectieuses pouvant entraîner la mort ; aucune nécessité thérapeutique ou tout autre motif d’ordre sanitaire ne la justifie, et elle procède du seul usage rituel et culturel ; par suite, l’excision pratiquée contre leur volonté sur une personne ou sur ses enfants constitue un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme »[21]. Ainsi, en se basant sur des textes européens fondamentaux tel que l’article 3 de la CEDH qui pose l’interdiction à la torture, il serait possible de qualifier cette pratique d’acte de torture et de barbarie au sens du droit pénal.

Cependant, le juge français est quelque peu retissant à appliquer cette qualification. Tout d’abord parce qu’il  serait assez compliqué de qualifier ainsi un acte issu de coutumes différentes des siennes. Cela le conduirait à juger la France comme « ayant une coutume supérieure » en qualifiant celle des autres de « barbares », même si l’excision peut aisément être considérée comme un acte provoquant de particulières souffrances  « dépassant de la sorte les violences plus classiques. »[22].

De surcroit, le problème viendrait de la caractérisation de l’élément moral de l’acte. Les actes de torture et de barbarie supposent une certaine volonté « d’humiliation » de la part de l’auteur sur la victime. Une partie de la doctrine nomme cela « l’animus jocandi », ce jeu malsain visant à faire souffrir la victime. Or, cette volonté de faire mal, de « torturer » ne se retrouve que rarement dans les cas d’excision. Il s’agit ici d’un acte issu de coutumes ancestrales, fortement symboliques pour certaines ethnies, où les mères ont été excisées et souhaiteront exciser leurs filles. L’ « animus jocandi » n’est donc pas présent.

Pour ces raisons, la jurisprudence ne retient pas cette qualification et préfère se tourner vers celle de violence volontaire. Ainsi, une décision pouvant être transposée au cas des excisions refusait cette qualification dans le cas d’une castration d’un enfant de 4 ans. La Chambre criminelle affirmait ainsi le 16 novembre 2004 que si les faits ne caractérisent pas des « actes de barbarie ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, il n’en constituerait pas moins le crime de violences ayant entraîné une mutilation ».[23]

 

C) Une possible condamnation des proches pour non-assistance à personne en péril

Si les acteurs directs de l’excision peuvent se voir appliquer les différentes qualifications pénales susmentionnées, les personnes présentes et n’ayant pas agi peuvent se voir inculper du chef de non-assistance à personne en péril. S’agissant de l’excision, les proches et plus spécialement les parents sont particulièrement visés. Ainsi, dans l’arrêt porté devant la chambre criminelle le 22 avril 1986 (cf. Supra), les parents de l’enfant de 4 mois décédée suite à une hémorragie causée par l’excision étaient poursuivis pour le chef d’omission de porter secours.

Etait reproché aux parents le fait de ne pas avoir appelé les secours lorsque leur enfant se vidait de son sang. Posée à l’article 223-6 du code pénal, cette infraction réprime l’auteur des faits par 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. La loi Schiappa du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [24] ajoute un troisième alinéa à cet article portant les peines à 7 ans et 100 000 euros d’amende lorsque l’intégrité corporelle d’un mineur de moins de 15 ans est en cause ou lorsque la personne en péril est un mineur de moins de 15ans.

La répression est donc possible pour les personnes témoins d’une excision qui peut mettre en péril la vie de l’excisée. Mais la même peine devrait pouvoir être appliquée à toute personne témoin d’une excision qui ne mettrait pas nécessairement en danger la vie de la jeune fille. Effet l’alinéa premier de cet article traite du fait d’éviter un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de la personne. Comme vu précédemment, l’excision est à elle seule une violence volontaire ayant entrainé une mutilation permanente, qui s’avère constituer un délit et entre donc dans le champs d’application de ce premier alinéa de l’article 223-6 du code pénal.

 

Si le code pénal constitue donc un appréciable outil de lutte contre l’excision, d’autres moyens existent en dehors de la mobilisation de cette réglementation répressive.

 

Une lutte contre l’excision à travers le droit d’asile et le droit international privé français.

Le statut de réfugié et notamment la « protection subsidiaire » est facilitée pour les jeunes filles qui risquent une excision (A). De plus, une exception est posée aux règles de droit international privé afin que le droit français puisse les prendre en charge (B).

 

A) Un accès au statut de réfugié facilité pour les jeunes filles mais plus complexe pour leurs parents.

La Convention de Genève de 1951 a créé le statut de « réfugié ». Son but est de protéger toute personne fuyant son pays si elle craint « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Ainsi, même si la Convention de Genève ne visait pas spécifiquement l’excision, cette pratique entre au moins dans deux des motifs de la Convention de Genève permettant l’application du droit d’asile. En effet, l’excision peut être considérée comme une cause religieuse. De plus, étant une coutume ancestrale, elle peut être également envisagée comme découlant de l’appartenance à un certain groupe social. Néanmoins la jeune fille serait-elle « persécutée » à cause de l’excision ou ne risquerait-elle pas plutôt de subir l’excision directement ? Il s’agirait en fait d’appliquer la convention de Genève plus aux parents ne souhaitant pas faire exciser leurs filles et qui eux, risqueraient d’être persécutés par ceux qui ne seraient pas d’accord avec leur choix. Ainsi, appliquer la convention de Genève à la jeune fille parait assez complexe à cause des termes de cette convention.

Initialement en France, la commission de recours des réfugiés avait en 2001[25] accordé, pour la première fois, le statut de réfugié à un couple malien qui avait refusé de faire pratiquer une excision à leur fille (jurisprudence Sissoko). Et l’OFPRA[26] avait fait application de cette jurisprudence. De ce fait, l’existence d’un « groupe social » de femmes refusant l’excision était donc reconnu et permettait d’entrer dans les conditions de la Convention de Genève.

Mais, l’OFPRA a connu en 2006 une explosion des demandes de parents résidant en France, souhaitant bénéficier du statut de réfugié afin d’éviter un éventuel retour au pays pour leur enfant né en France[27]. En 2008 a donc été prise une décision fortement critiquée refusant à des parents souhaitant éviter le retour au pays de leurs enfants, le statut de réfugié. Néanmoins, la « protection subsidiaire » fut accordée aux enfants.

Cette « protection subsidiaire » permet d’élargir le droit d’asile aux personnes victimes de traitements inhumains et dégradants qui n’entrent pas dans les critères du statut de réfugié, définit par la Convention de Genève.

Néanmoins, la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA)[28] a estimé en 2009[29]  qu’une protection de ces jeunes filles nées en France ainsi que de leurs parents devait être mise en place à travers l’accord d’une « protection subsidiaire » . Pour cette Cour, l’excision est une « mutilation grave et irréversible » qui « constitue un traitement inhumain et dégradant » dont « la mise en œuvre effective de cette protection impose que l’enfant ne soit pas séparé de sa mère » . « En l’absence de dispositions législatives octroyant de plein droit un titre de séjour à la mère de l’enfant mineur bénéficiaire de la protection subsidiaire, la même protection doit être étendue à cette dernière » [30].

Malheureusement, en 2012 le Conseil d’Etat est revenu sur cette décision du CNDA. Le 21 décembre, l’assemblée du contentieux du Conseil d’État a en effet rendu trois décisions de principe relatives à la protection au titre de l’asile des jeunes filles pouvant subir des mutilations sexuelles féminines. Ainsi, les parents d’enfants exposées à un risque d’excision, ne peuvent eux-mêmes prétendre au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire « seulement s’il était établi qu’ils encourent personnellement un risque de persécutions ou de mauvais traitements dans leur pays d’origine du fait de leur opposition aux mutilations sexuelles. ». Hors de ce cas, les parents d’une enfant réfugiée ne peuvent prétendre pour eux-mêmes à aucune protection.[31]

Un recul apparait donc quant aux droits des parents. La jeune fille quant à elle peut, sous certaines conditions, se voir reconnaître la qualité de réfugiée à raison du risque d’être exposée à la pratique de l’excision dans le pays dont elle a la nationalité.

Enfin, en 2021 la CNDA[32] juge que tous les enfants mineurs d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire doivent pouvoir bénéficier de cette même protection. L’inverse reste malgré tout impossible aujourd’hui, les parents ne pouvant toujours pas bénéficier d’une protection obtenue par leurs enfants.

Il faut noter quant à cette protection subsidiaire qu’un contrôle est apporté selon le CESEDA évoquant spécialement les mutilations sexuelles, consistant en un réexamen minimum tous les 3 ans permettant notamment d’exiger un certificat médical afin de vérifier l’absence de mutilation et d’avoir un contrôle sur l’attitude des parents.

De surcroit, lorsque cette protection subsidiaire permettant d’éviter l’excision est apportée à la jeune fille « une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles est fournie aux parents ou aux tuteurs légaux de la mineure protégée ».

Si lors de ces contrôles il est constaté que l’enfant a été excisée l’OFPRA le signale[33]. Néanmoins, le CESEDA affirme qu’« aucun constat de mutilation sexuelle ne peut entraîner, à lui seul, la cessation de la protection accordée à la mineure au titre de l’asile ». Ainsi est constaté une réelle volonté de protection des jeunes filles pouvant être excisées voire même, ayant malgré tout été excisées.

On précise pour finir qu’une déchéance de nationalité pourra être prononcée suite à une pratique d’excision, comme l’autorise l’article 98 du code de nationalité française. Ainsi, un père de famille ayant été condamné, suite à l’excision de sa fille, pour complicité de violence volontaire ayant entrainé une mutilation permanente, le 22 juin 1990 par la Cour d’assises de Seine-Saint-Denis, a vu rejetée sa requête contre un décret portant déchéance de sa nationalité française[34].

 

B) Une adaptation des règles de droit international privé pour les mineures excisées

Dans le but d’une meilleure protection des jeunes femmes pouvant être excisées, le législateur a créé en 2006[35] un article 222-16-2 dans le code pénal étendant le principe de « personnalité passive » pour les mineurs vivants en France victimes de violences volontaires commis à l’étranger. Issu de la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le but de ce nouvel article était clairement de renforcer la protection des filles mineures contre l’excision. Ainsi, grâce à cette intervention du législateur, la loi pénale française ainsi que la compétence des juridictions françaises peut s’appliquer à ces jeunes filles.

Une exception est ainsi posée. En effet, en principe le critère retenu pour appliquer la loi française est celui de la nationalité française. Or, cet article retient la résidence habituelle de l’enfant lui faisant bénéficier de la protection nationale française même s’il n’est pas français[36].

 

S’il est dès lors heureux de voir que les outils juridiques se multiplient pour mettre fin à cette terrible mutilation que constitue l’excision, il importe également que le gouvernement français investisse dans des politiques de sensibilisation auprès de populations cibles.

 

Inès AIT-ZERROUK

Master 2 – Activités de santé et responsabilité,

Université Paris Cité

[1] Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU) : Rapport annuel 2021 sur les mutilations génitales féminines.
[2] Selon le site internet de l’UNICEF.
[3] Définition de l’OMS.
[4] Incision du périnée au cours de l’accouchement pour faciliter la sortie du bébé. Episiotomie pouvant elle-même être l’objet d’une MGF si elle n’est pas réellement nécessaire. (En France, cette pratique est très courante et bon nombre de femmes déplorent des épisiotomies « systématiques » et non-consenties).
[5] Militante politique soutenant notamment la libération des femmes – épouse du président Nigérien Olusegun Obasanjo (Président de 1999 à 2007).
[6] Art 222-1 à 222-6-4 du code pénal.
[7] Art 223-6 du code pénal.
[8] Art 222-9 du code pénal.
[9] Art 222-7 du code pénal.
[10] C.Crim. 19 janv. 2005, no 03-87.210.
[11] Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz – Violences volontaires – Yves MAYAUD – Octobre 2008 (actualisation : Avril 2022).
[12] C.Crim. 20 août 1983, no 83-92.616 , Bull. crim. n° 229.
[13] Art 222-10 du code pénal.
[14] Art 222-10 1°.
[15] Art 222-10 4°.
[16] Art 222-10 a) : « Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ».
[17] C.Crim. 22 avr. 1986, no 84-95.759 P.
[18] Art 222-8 du code pénal.
[19] Art 222-8 a) du code pénal.
[20] Art 222-1 et s. du code pénal.
[21] TA Lyon, 12 juin 1996, RUDH 1996. 695.
[22] Répertoire de droit pénal et de procédure pénale. Violences volontaires – Yves MAYAUD – Octobre 2008 (actualisation : Avril 2022)
[23] C.Crim, 16 novembre 2004, n° 04-85.318.
[24] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
[25] CRR, Sections réunies, 7 décembre 2001, M Sissoko.
[26] Office français de protection des réfugiés et apatrides.
[27] Si les parents se retrouvent illégalement sur le territoire Français, ils risquent d’être expulsés et donc d’emmener avec eux leurs enfants mineures, souvent en très bas âge, qui risqueraient donc une excision arrivées au pays.
[28] Juridiction de recours pour les demandeurs d’asile.
[29] CNDA Sections réunies, séance du 11 févr. 2009. Lecture du 12 mars 2009, n° 638891.
[30] Violences sur le corps de la femme : Christian Hervé / Michèle Stanton-Jean / Claire Ribau-Bajon – Dalloz – Nov. 2012 – Les mutilations sexuelles en France et le droit à l’intégrité physique de l’enfant : l’exemple de l’excision – Edwige Rude- Antoine Directrice de recherche au CNRS (CERSES- Université Paris Descartes, Paris V).
[31] Circulaire du 5 avril 2013 relative à la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux parents d’enfants bénéficiaires d’une protection internationale.
[32] CNDA 14 octobre 2021 les enfants A. n° 21018964, 21018965, 21018966 et 21018967 R.
[33] Sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.
[34] CE 2e sous-sect 22 févr. 2008, n° 2008- 073198.
[35] loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
[36] Répertoire de droit pénal et de procédure pénale – Violences volontaires – Yves MAYAUD – Octobre 2008 (actualisation : Avril 2022) – 147. Mutilations sexuelles.

 

abcdea