« Mes deux sœurs, ma mère et moi avons rendu visite à ma famille au pays. Je pensais que nous partions en vacances. Un peu plus tard, on nous a dit que nous allions être infibulées[1].  La veille de l’opération, une autre fille a été infibulée et elle est morte à cause de l’opération. Nous étions terrorisées et ne voulions pas subir le même sort. Mais nos parents nous ont dit que c’était une obligation, alors nous y sommes allées. Nous nous sommes défendues, car nous croyions vraiment que nous allions mourir tant la douleur était grande. Une femme vous met la main devant la bouche pour vous empêcher de crier, deux femmes vous tiennent la poitrine et deux autres les jambes. Après l’infibulation, on nous a attaché les jambes avec une corde et c’est comme si nous avions dû réapprendre à marcher. […]. On s’est rétablies progressivement et on a survécu, pas comme l’autre fille. Mais les souvenirs et la douleur ne disparaissent jamais complètement. » – Zainab, infibulée à l’âge de 8 ans (Source : OMS).

Les mutilations génitales féminines (MGF) sont des ablations partielles ou totales des organes génitaux féminins externes ou toutes autres mutilations des organes génitaux féminins sans raison médicale. Elles sont souvent pratiquées sans anesthésie, et ont des conséquences physiques et psychologiques dévastatrices.

 

L’OMS a identifié 4 types de MGF :

 

  • Type 1 (clitoridectomie) : ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce.
  • Type 2 (excision) :ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres.
  • Type 3 (infibulation) : rétrécissement de l’orifice vaginal par la création d’une fermeture, réalisée en coupant et en repositionnant les petites lèvres et/ou les grandes lèvres.
  • Type 4 : toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, telles que la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation.

 

Ces pratiques sont désormais considérées comme inacceptables et la journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines en est un parfait symbole.

 

Cette Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, se déroulant le 6 février de chaque année, est une occasion importante de sensibiliser le monde à cette pratique préjudiciable et promouvoir des actions concrètes visant à l’éliminer.

Ces pratiques s’expliquent par différents facteurs :

 

  • Psychosexuel : Ces pratiques étaient permises afin de contrôler la sexualité des femmes et garantir la virginité avant le mariage ainsi que la fidélité et augmenter le désir sexuel de l’homme.
  • Sociologique et culturel : Cette pratique était considérée comme une ignition d’une fille au statut de femme adulte. Certaines cultures estimaient également que ces mutilations étaient favorables à la procréation.
  • -Facteur esthétique et lié à l’hygiène : Certains peuples jugeaient les organes génitaux externes de la femme comme malpropres et laids.
  • Religieux : Même si l’Islam ou le christianisme ne les cautionnent, les MGF étaient souvent justifiés par une supposée doctrine religieuse.
  • Socio-économique : Ces mutilations étaient vues comme un passage obligatoire afin de pouvoir se marier. Parfois, les MGF constituent un pré requis au droit d’hériter.

 

Selon de nombreuses sources, dont l’ONG PADEM (Programmes d’Aide et de Développement destinés aux Enfants du Monde), on estime que 200 millions de femmes ont été victimes de mutilations génitales et la majeure partie de ces victimes les ont subies avant leurs 15 ans. Si les tendances actuelles perdurent, 68 millions de jeunes filles risquent de subir ces mutilations entre 2015 et 2030, à travers le monde.

 

Ces MGF entraînent des complications de santé immédiates, telles que des infections, des hémorragies et des problèmes urinaires. À long terme, elles peuvent également causer des douleurs chroniques (lors des rapports sexuels ou même quotidiennement), des difficultés lors de l’accouchement et des traumatismes psychologiques profonds (dépression, stress post-traumatique, état de choc …), voire le décès dans certains cas. En mettant en lumière ces réalités, la Journée de tolérance zéro cherche à susciter une réflexion collective sur l’urgence d’agir.

 

Des actions mondiales sont heureusement entreprises. Le secrétaire général de l’ONU, en 2021, considère ainsi que les mutilations génitales féminines sont une violation des droits de l’homme. Grâce aux actions des Nations Unies, 24 pays ont adopté une législation antiMGF[2]. Les peines encourues varient de six mois d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité et dans plusieurs pays, la peine prévue comprend également une amende.

Ces mutilations sont également prohibées par de nombreux textes ayant une portée nationale.

 

On peut ainsi citer au niveau des Nations Unies :

 

  • Le programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement qui demande aux gouvernements « de prendre d’urgence des mesures pour mettre un terme à la pratique des mutilations sexuelles féminines et pour protéger les femmes et les filles contre toutes pratiques similaires dangereuses et injustifiées» de 1994 (4.22 ; 5.5 ; 7.6 ; …).
  • Le programme d’action de la 4ème Conférence sur les femmes de 1995.La première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (Résolution 67/146) sur l’« intensification de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines » (16).
  • La Déclaration et le programme d’action de Beijing « Éliminer les mutilations sexuelles féminines », de 1995.

 

Au niveau européen, deux textes sont également spécifiquement consacrés à cette problématique :

 

 

S’agissant de la législation française, plusieurs articles permettent de sanctionner la réalisation de MGF. Punissant les actes de torture et de barbarie, les articles 222-1 et suivants du code pénal prévoient ainsi une peine d’emprisonnement allant de 15 à 30 ans, ainsi qu’une amende à hauteur de 150 000 euros, selon les circonstances[3]. L’infraction de non-assistance à personne en danger prévue par l’article 223-6 du code pénal[4] peut également être mobilisée. Une action civile en indemnisation pourra également être engagée[5].

En 2013, la législation française a étendu son arsenal répressif avec l’article 227-24-1 du code pénal (modifié par une loi de 2021) qui punit de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait d’inciter un ou une mineur(e) à subir une mutilation sexuelle par des offres, promesses ou en exerçant des pressions ou contraintes de toute nature. Les mêmes peines s’appliquent au fait d’inciter autrui à commettre une mutilation sur la personne d’un ou une mineur(e).

Par ailleurs, la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a prévu la possibilité, pour le juge des enfants, de faire inscrire une mineure au fichier des personnes recherchées, pour une durée de deux ans, afin de prévenir la sortie du territoire en cas de risque de mutilations sexuelles à l’étranger.

 

La dénonciation de ces actes de mutilation est un devoir des citoyens majeurs, mais aussi des professionnels éducatifs, sociaux et médicaux sociaux. Ils se doivent de protéger les mineurs qui seraient susceptibles d’être victimes de tels faits en informant les autorités administratives et judiciaires de protection de l’enfance dès que la possibilité ou l’existence d’un tel crime est portée à leur connaissance, et ce sans pouvoir se cacher derrière le secret médical ou le secret professionnel[6].

Il ne faut pas non plus oublier qu’il sera également possible de retirer l’autorité parentale aux parents qui ont fait subir ces actes de mutilation sur leurs enfants (378-1 du code civil).

 

S’agissant du contentieux, dans un avis de décembre 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a recensé 29 procès en France depuis 1979, à l’encontre de parents ou d’exciseuses. La première condamnation fut prononcée en 1988 devant la Cour d’assises. Ces condamnations ont permis un recul de cette pratique en France.

 

Les actions de sensibilisation s’avèrent essentielles. Les victimes des MGF doivent ainsi être incitées à communiquer sur les mutilations qu’elles ont subies. Elles sont susceptibles de le faire auprès d’une personne de confiance, d’un professionnel de santé ou d’un assistant social. Des associations ou fédérations spécialisées dans la lutte contre le viol et les violences faites aux femmes peuvent également être contactées. On peut par exemple citer la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), La Fédération nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FN CIDFF), Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), Excision, parlons-en ! Fédération nationale GAMS, Femmes solidaires…

 

Les victimes peuvent également être invitées à contacter le 3919, numéro destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés qui offre un service d’écoute ou encore les services de secours.  Concernant les enfants en danger, il est également possible d’appeler le 119 qui est dédié à la prévention des enfants en danger ou en risque de l’être.

Toutes les violences constatées ou subies peuvent aussi être signalées sur cette plateforme :  https://arretonslesviolences.gouv.fr/besoin-d-aide

 

Le Covid a malheureusement perturbé les mesures visant à prévenir et éliminer les MGF. En effet, en raison des mesures de protections et d’isolement prises lors de cette période, les programmes de prévention ont pris du retard et cette pratique a pu se développer secrètement dans les foyers.

 

 

Il faut enfin savoir que des actions de restaurations du clitoris sont possibles et que ces interventions chirurgicales sont remboursées par la sécurité sociale en France depuis 2004. Entre 1998 et 2010, 3000 femmes ont eu recours à cette opération sur notre territoire.

 

On constate donc que bien que de nombreux pays aient radicalement interdit cette pratique, ces excisions persistent dans certaines régions comme peut le montrer la carte ci-dessous. Il importe donc de continuer de sensibiliser sur ces atrocités à l’occasion de cette journée internationale qui se déroule le 6 février de chaque année.

[1] Rétrécissement de l’orifice vaginal par la création d’une fermeture, réalisée en coupant et en repositionnant les petites lèvres et/ou les grandes lèvres.

[2] Afrique :

Algérie (2015) ; Bénin (2003) ; Burkina Faso (1996) ; Cameroun (2016) ; République centrafricaine (1996, 2006) ; Tchad (2002) ; Comores (1982); République du Congo (2002) ; Côte d’Ivoire (1998) ; Djibouti (1994, 2009) ; République démocratique du Congo (2006) ; Égypte (2008) ; Érythrée (2007, 2015) ; Éthiopie (2004); Gambie (2015) ; Ghana (1994, 2007) ; Guinée (1965, 2000, 2016) ; Guinée Bissau (2011) ; Libéria (2018, par décret exécutif d’un an) ; Kenya (2001, 2011) ; Malawi (2000); Mauritanie (2005) ; Mozambique (2014) ; Niger (2003) ; Nigéria (2015) ; Sénégal (1999) ; Sierra Leone (2007) ; Somalie (2001)* ; Afrique du Sud (2005) ; Soudan (2020); Soudan du Sud (2008) ; Tanzanie (1998); Togo (1998); Ouganda (2010) ; Zambie (2005, 2011) ; Zimbabwe (2006).

Autres :

Australie (6 États sur 8 entre 1994 et 2006) ; Autriche (1974, 2002) ; Bahreïn (1976); Belgique (2000); Brésil (1984); Bulgarie (1968); Canada (1997); Colombie (2006, Résolution n° 001 de 2009 des autorités autochtones) ; Croatie (2013); Chypre (2003); République tchèque (2009); Danemark (2003); Estonie (2001); Finlande (2013) ; France (1979); Hongrie (2012) ; Inde (1860); Italie (2006) ; Iran (1991); Irak (2011, uniquement applicable au Kurdistan) ; Irlande (2012); Koweït (2015); Géorgie (Allemagne (2013) ; Grèce (1951) ; Lettonie (2005) ; Lituanie (2000) ; Luxembourg (sur les mutilations uniquement, pas spécifiquement sur les mutilations « génitales », 2008) ; Malte (1854) ; Mexique (2020) ; Pays-Bas (1881); Nouvelle-Zélande (1995); Norvège (1995); Oman (2019), Pakistan (1860); Panama (2007); Pérou (1991); Philippines (1930); Pologne (2003); Portugal (2007); Roumanie (2017); Slovaquie (2005); Slovénie (2008); Espagne (2003); Suède (1982, 1998); Suisse (2005, 2012); Trinité-et-Tobago (2012); Royaume-Uni (1985; 2003); Royaume-Uni États-Unis (1996).

 

[3] Articles 222-9, 222-10 du code pénal.

[4] Cette infraction est passible d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

[5] Notamment sur le fondement des articles 16-1 et 16-1 du code civil

[6] Articles 223-6, 226-13, 226-14, 434-1 et 434-3 du code pénal qui prévoit cette dérogation au principe du secret professionnel ou médical.

 

Marine Attia,

Master Activités de santé et responsabilités, Université Paris Cité

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