Noah J. Sasson, professeur à l’Université du Texas à Dallas, et ses collègues ont publié un article en 2017 sur la perception que les personnes neurotypiques ont des personnes autistes. Ces derniers expliquent que : « Les personnes neurotypiques identifient rapidement et inconsciemment qu’un interlocuteur est autiste, souvent en l’espace de millisecondes. Cependant, ils ne réalisent pas forcément qu’ils ont identifié la personne comme étant autiste, ils considèrent juste que leur interlocuteur est étrange. Les participants de cette étude ont montré moins d’intérêt à l’idée d’engager une conversation avec des personnes autistes et les appréciaient moins que des personnes non-autistes, cela en se basant seulement sur quelques minutes d’interaction sociale. Il est aussi important de noter que les participants autistes de cette étude n’ont rien fait de mal, leurs comportements et leurs propos étaient parfaitement appropriés socialement. Malgré le fait qu’ils aient fait de leurs mieux pour avoir l’air neurotypiques, leurs comportements affichaient certains signaux causant leur interlocuteur de moins les apprécier. »

 

Il n’existe pas de définition arrêtée de l’autisme, ni de « profil-type » de la personne atteinte d’autisme. En effet, le spectre autistique est très varié et hétérogène mais, de manière générale, englobe des difficultés de communication pouvant aller jusqu’à l’impossibilité de parler pour les cas les plus lourds. Les personnes souffrant d’autisme réagissent différemment aux situations du quotidien mais aussi aux différentes stimulations émotionnelles. En fonction du degré d’autisme dont une personne est atteinte, son autonomie variera et si certaines personnes autistes peuvent vivre seules avec un suivi minimal, d’autres auront besoin d’un accompagnement permanent tout au long de leur vie.

 

La variété du spectre autistique rend compliquée la compréhension que les pouvoirs publics ont de ces troubles rendant ainsi tout aussi compliquée la mise en place d’un cadre d’accompagnement adéquate. Ainsi, il conviendra ici de revenir sur l’état actuel de la politique française de prise en charge du spectre autistique, notamment à travers le quatrième plan autisme lancé en 2018, avant de se pencher sur la prise en charge de ces même troubles dans les pays étrangers.

 

Retour sur le Quatrième plan autisme

 

Dès l’élection du président Emmanuel Macron en 2017, son épouse la « première dame » de France s’est exprimée très clairement sur son attachement à la cause des troubles du spectre autistique. De manière générale, le couple présidentiel a vite fait connaître son souhait d’améliorer la situation des personnes atteintes d’autisme en France. C’est ainsi que le 6 juillet 2017, soit deux mois à peine après son élection, le président de la République invitait les associations relatives à l’autisme à l’Élysée afin d’annoncer son projet d’un quatrième plan autisme. L’arrivée d’un tel projet était grandement attendue par les associations de personnes autistes puisque les trois plans l’ayant précédé n’ont apporté que très peu d’amélioration à la situation des autistes en France, malgré les importantes ressources allouées. Il suffit de se pencher sur le Troisième plan autisme couvrant la période de 2013 à 2017. Ce dernier avait prévu d’allouer 205 millions d’euros dans le but d’améliorer l’état des choses mais de grandes lacunes persistent, notamment au niveau de la prise en charge des adultes atteints d’autisme mais aussi de l’accompagnement des familles ayant un proche neurodivergent.

 

La nouvelle stratégie nationale pour l’autisme sera présentée courant avril 2018 par le premier ministre de l’époque, Edouard Philippe. Le plan couvre la période de 2018 à 2022 et entend consacrer 344 millions d’euros à la cause. Le moteur de ce nouveau plan autisme est notamment de permettre à la France de rattraper son retard accumulé en termes de recherche sur l’autisme.

 

Nous sommes aujourd’hui en 2023, la question du bilan de ce quatrième plan autisme se pose donc. En 2022 Claire Compagnon (déléguée interministérielle) et Sophie Cluzel (secrétaire d’État au handicap) ont annoncé que les dépenses pour ce plan se sont finalement élevées à 490 millions d’euros auxquels il a été accepté d’ajouter une rallonge de 146 millions d’euros.

 

Cette stratégie se fondant sur cinq engagements, il convient de revenir sur chacun d’entre eux afin d’en faire le bilan.

 

Le premier axe était celui de la recherche et il était à l’origine prévu d’allouer 14 millions d’euros afin de développer la recherche française en matière d’autisme. A l’issue de ces quatre ans, le gouvernement s’est montré très satisfait des résultats en la matière puisqu’à l’issue des différents investissements la France s’est propulsée à la quatrième place du classement mondial de la recherche sur les troubles du spectre autistique. A l’heure actuelle, nous comptons 600 chercheurs français déployés sur différents groupes de recherche dans le monde entier.

 

Le deuxième axe annoncé par Édouard Philippe était celui du diagnostic précoce. En effet, l’une des principales causes d’une mauvaise prise en charge des personnes neurodivergentes est le diagnostic trop tardif de ces dernières. Sur ce point le gouvernement semble également satisfait des résultats obtenus puisque, selon Claire Compagnon et Sophie Cluzel, en 2022 on comptait un total de 20 000 enfants entre 0 et 6 ans ayant été repérés et adressés à une plateforme de coordination et d’orientation. Cela représente un progrès important puisqu’en 2019 on ne comptait que 150 enfants de cette même tranche d’âge ayant pu être repérés et adressés à la structure adaptée.

 

Le troisième axe reposait sur la scolarisation des enfants atteints d’autisme pour lequel il était projeté d’investir 103 millions d’euros. Cet axe est capital puisque selon le ministère de l’éducation nationale seul un tiers des enfants autistes sont scolarisés au moins la moitié de la semaine en maternelle. Il a donc été question de développer des classes adaptées permettant à ces enfants d’avoir accès à l’éducation comme pourrait l’avoir des enfants neurotypiques du même âge. Il semble que cet aspect soit un nouveau succès puisqu’à la rentrée 2021, plus de 42 000 enfants autistes ont rejoint le milieu scolaire ordinaire et 336 classes spécifiques ont été ouvertes.

 

Le quatrième axe reposait sur une meilleure inclusion des adultes atteints d’autisme en allouant 115 millions d’euros à cette ambition. Cet axe se justifie par la faible insertion des adultes autismes, notamment dans le milieu professionnel, puisqu’en 2019 Pôle emploi dévoila que seulement 0,5% des adultes autistes travaillaient en milieu ordinaire. Afin de faciliter l’inclusion des adultes, il a été choisi de développer une quarantaine d’unités résidentielles permettant de prendre en charge les adultes souffrant des formes les plus lourdes du spectre autistique. La première de ces infrastructures a ouvert ses portes en février 2022, en Provence-Alpes Côte d’azur. Le but de ces unités résidentielles est d’accueillir les personnes de façon continue, soit sept jours sur sept et à n’importe quelle heure de la journée. On constate ainsi que certaines avancées ont été réalisées quant à l’insertion des adultes autistes mais ces dernières restent limitées compte tenue des projections de 2017.

 

Enfin, le cinquième axe reposait sur le soutient des familles de personnes souffrant d’autisme en prévoyant d’allouer à la cause 6 millions d’euros. Cet axe était l’un des grands manques de la gestion française de l’autisme puisque selon la Cour des comptes, dans un rapport d’évaluation de l’efficacité des politiques publiques, et notamment les politiques à destination des personnes présentant des troubles du spectre autistique rendu en 2019[i], il restait chaque année environ 3000 euros à la charge des familles pour le suivi de leur proche autiste. En réponse à cette difficulté, le gouvernement a tenu à développer les Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), et les Centres médico-psychologiques (CMP). Ces centres permettent un suivi des personnes atteintes de troubles psychologiques en tout genre, en ce qu’ils ne s’arrêtent pas uniquement aux personnes atteintes de troubles du neurodéveloppement, et offrent notamment une prise en charge et un suivi à titre gratuit ce qui permet de soulager, au moins en partie, le coût qui est laissé à la charge des familles.

 

Ainsi, en l’espace de maintenant cinq ans, la France a réalisé une avancée certaine sur la reconnaissance de l’autisme et l’amélioration des difficultés que notre pays rencontrait en la matière. La prise en charge actuelle de l’autisme reste imparfaite mais on peut se réjouir de l’éveil croissant de la sphère politique à ce sujet.

 

 

Regards vers l’étranger 

 

S’il est difficile en France de comprendre et prendre en charge l’autisme, c’est également le cas chez nos voisins européens.

 

La Royaume-Uni était probablement l’un des pays les plus avant-gardistes en matière d’autisme. En effet, le premier texte relatif à l’autisme date de 2009 avec « l’Autism act », applicable en Angleterre et au Pays de Galles. Puis en 2010, à l’occasion d’une loi sur l’égalité couvrant la Grande-Bretagne, a été introduite l’interdiction de toute discrimination à l’égard des enfants handicapés (sans précision de la forme de handicap). Pour cette raison, le Royaume-Uni n’a à l’heure actuelle aucune loi particulière pour les enfants souffrant de troubles du spectre autistique. Cependant, le gouvernement britannique fait au mieux pour inclure les enfants autistes dans les différentes politiques relatives à l’enseignement. Ainsi, à l’occasion du dernier plan britannique sur l’autisme (de 2021 à 2026), le gouvernement britannique a prévu d’allouer 600 000 £ pour renforcer la formation des enseignants (de l’école primaire jusqu’à l’université) pour les familiariser avec l’autisme et améliorer leur gestion des élèves autistes. Sur la question des adultes souffrant d’autisme, le gouvernement britannique a affirmé qu’à l’issue de ce plan sur l’autisme, le taux d’adultes autistes ayant un emploi aura nettement augmenté, le but étant aussi d’aider ces personnes à conserver leur emploi. A noter qu’en 2020, près de 27% des adultes autistes britanniques étaient employés, ce pourcentage étant déjà plus élevé qu’en France.

 

Les Pays-Bas, de leur côté, ont une gestion bien différente de l’autisme. En effet, alors que les pouvoirs publics néerlandais ont plus ou moins mis de côté la question de l’autisme ces dernières années, les personnes souffrant de troubles du spectre autistique sont assez bien intégrées dans la société. De manière générale, les Pays-Bas se sont montrés très inclusifs avec les personnes handicapées aussi bien dans leurs infrastructures, que dans la formation du corps enseignant en passant par les entreprises privées qui offrent la possibilité de participer à certaines activités ou visiter certains lieux culturels et autres accommodations pour les personnes souffrant de troubles neurodivergents.

 

Pour conclure, il reste encore des efforts à fournir de la part des États. On note, cependant, depuis les dernières décennies une meilleure considération de l’autisme comme trouble nécessitant ses propres infrastructures et mesures d’accompagnement aussi bien de la part des gouvernements que de la population de manière générale. Avec la croissance des différentes mesures permettant d’accompagner les personnes autistes et les moyens déployés en la matière, nous pouvons espérer un avenir positif pour la prise en charge des troubles du spectre autistique.

Julia BERKOUK

Master 1 Comparative Health Law

Université Paris Cité

 

[i] Rapport annuel de la Cour de compte de 2019 – Tome II : Le suivi des recommandations de la Cour en 2018

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