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Éditorial

Le 8 février dernier, l’Institut Droit et Santé a organisé en partenariat avec l’Agence régionale de santé Ile-de-France, un colloque consacré à la santé mentale des personnes en situation de vulnérabilité. 

Dans son ouvrage « La chevelure », Maupassant faisant dire à l’un de ses personnages médecin que « L’esprit de l’homme est capable de tout ». Ces mots auraient pu être ceux du docteur Blanche, ce médecin-psychiatre, qui, en 1846, fonda une maison de santé à Passy. Cette institution permit d’appréhender chaque patient en sa qualité de personne humaine. C’est dans cette même maison que l’écrivain trouva la mort à l’âge de seulement quarante-trois ans, souffrant de ces maux dont on est prisonnier et qu’on a parfois du mal à nommer. 

Jusque-là, les « fous », ou les déments, étaient enfermés dans des asiles afin de protéger la société contre ceux qui dérangeaient par leur différence. Personne ne se souciait de ces êtres souvent en rupture familiale et en marge des conventions sociales. Il ne fallait pas les voir. Il fallait oublier qu’ils existent.

Depuis, un regard nouveau a commencé à se préciser lorsqu’il s’agit de traiter ceux que l’on désigne, pour diverses raisons, comme des personnes « en situation de vulnérabilité ». L’idée d’une société protectrice, permettant à chacun de trouver sa place, s’est imposée. Elle suppose, d’abord, la reconnaissance, à l’égard de tous, des droits et des libertés fondamentales. Elle nécessite, ensuite, la création de prérogatives au profit de ces personnes ainsi que des devoirs spécifiques envers elles. Enfin, il importe d’abandonner le regard stigmatisant, celui qui fait plus mal que les mots, ce qui constitue une étape incontournable dans une démarche de respect. 

La décision du Conseil constitutionnel, n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011, relative à l’article L. 3213-2 du CSP, en vertu duquel, la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux pouvait être fondée, faute d’un certificat médical, sur la seule « notoriété publique » en est un exemple. Ces mots, qui font notoirement mal, ont été supprimés par le Conseil puisque l’hospitalisation d’urgence n’est possible que lorsqu’elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ainsi qu’à la sûreté des personnes ou la préservation de l’ordre public. 

Enfin, si le dispositif légal relatif aux malades souffrant de troubles mentaux se trouve, en grande partie, dans le Code de la santé publique, cela n’est pas dû au hasard. Une approche équilibrée de la personne en situation de vulnérabilité est inhérente à sa dignité. 

Cette journée a été très riche en échanges. Elle a permis, comme cela est l’usage à l’occasion des manifestations organisées par l’Institut Droit et Santé, une nouvelle rencontre du droit, de la science et de la société. Le succès de cette journée a été rendu possible par l’investissement de ses deux organisatrices, Vahine Bouselma et Camille Teixeira, qui doivent ici être remerciées. 

Au-delà de la découverte des actes de ce beau colloque qui constituent le dossier de ce numéro, les lecteurs retrouveront les rubriques désormais habituelles. Les différents articles publiés seront l’occasion d’aborder des sujets très sensibles comme ceux de la stérilisation forcée ou des avortements illégaux. Les politiques de l’autonomie prennent également une large place dans ce numéro, le sujet étant tout à la fois abordé au travers d’une réflexion sur l’organisation de notre système de santé que du regard des professionnels et des institutions, à l’occasion des séminaires organisés par nos partenaires Lisa et l’OCIRP (Organisme Commun des Institutions de Rente et de Prévoyance).

Ce numéro est également l’occasion d’un nouveau partenariat avec Action santé mondiale, ONG française ayant pour mission de mener un plaidoyer politique en France et auprès des institutions de l’Union européenne pour lutter contre les inégalités en matière de santé. L’Institut Droit et Santé a décidé de leur ouvrir les colonnes du Journal afin de partager leurs préoccupations relatives à l’utilisation de l’intelligence artificielle et des algorithmes en santé. 

La dimension internationale du Journal s’enrichit également pour ce numéro d’un article de la Professeure Anne-Sylvie Dupont, ici remerciée, qui permet de découvrir les spécificités du système de financement de nos voisins helvétiques.  

Toute l’équipe de l’Institut Droit et Santé vous souhaite une bonne lecture, un bel été, et vous propose de nous retrouver dès la rentrée pour un riche programme éditorial et de manifestations scientifiques !  

Ana Zelcevic-Duhamel et Lydia Morlet-Haïdara

SOMMAIRE

Éditorial

Ana Zelcevic-Duhamel et Lydia Morlet-Haïdara

Interview

Dominique Simonnot

Dossier thématique

La santé mentale des publics vulnérables : entre accès aux soins et maintien de l’ordre public

Dossier coordonné par Vahine Bouselma et Camille Teixeira
– Le rôle des pouvoirs publics en matière de santé mentale, Sarah Guettai et Achour Bensaada
– Point sur les interactions entre situation de vulnérabilité et santé mentale, Stéphanie Vandentorren
– Le trouble mental et ses implications sur la responsabilité pénale, Ana Zelcevic-Duhamel
– Accès aux soins de santé mentale pour les personnes placées sous main de justice, Ava Thirault et Daniel Pinede
– La santé mentale des SDF : entre accès aux soins et maintien de l’ordre public, Gaétan Langlard
– Droit et santé mentale des migrants, quels liens ?, Andrea Tortelli
– Le TDS : une stratégie de survie pour les personnes neuroatypiques, Maîtresse Catin
– Santé mentale des travailleurs et travailleuses du sexe : la « rationalité » scientifique au détriment des droits, Amar Protesta
– Les freins à l’accès aux soins de santé mentale constatés par le Défenseur des droits, Perrine Fromentin

Chroniques

C1 - Personnes et santé
– Aperçu de la perspective de la Cour Européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur la stérilisation forcée, Magalie Sneed
C2 - Professionnels et institutions de santé
– La médicalisation des avortements illégaux, Andréa-Jane Lacaze
– La théorie juridique de l’isolement et de la contention : un mythe à l’épreuve de sa pratique, Guillaume Fontanieu et Audrey Irastorza
– Séminaire Politiques de l’autonomie : à rénover de fond en comble, Lisa (2ème séance - intervention de Claude Jeandel et 3ème séance - intervention de Roméo Fontaine)
C3 - Système et politiques de santé
– Santé-autonomie : potion amère ou gestion du temps long, Stéphane Le Bouler
C4 - Technologies et santé
Chronique permanente « Droit des brevets », Camille Maréchal Pollaud-Dulian
– Soignons nos algos – Nos propositions pour une IA en santé de confiance, Mathilde Pitaval et Élise Rodriguez
– Les sociétés de téléconsultation : un cadre juridique pour quel modèle économique ?, Delphine Jaafar
C5 - Marchés et santé
Chronique permanente « Droit de la concurrence », Caroline Carreau

Nouvelles de l’étranger

– Réforme du financement des soins en Suisse, Anne-Sylvie Dupont
– La transformation numérique du système de santé brésilien, Fernando Aith

Varia

– 2 ans et demi d’activité législative dense en matière de santé, Jordan Challier

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